Zanele Muholi, l’activiste visuel au service de la cause noire et queer
L’un·e des photographes sud-africain·es les plus célébré·es au monde, Zanele Muholi fait l’objet d’une exposition rétrospective exceptionnelle à la Maison européenne de la photographie.
Après une première exposition à Paris en 2012, suivie d’un passage remarqué à Art/Afrique à la Fondation Louis Vuitton en 2017, la puissance des photographies de l’activiste visuel·le Zanele Muholi est à découvrir à la maison parisienne consacrée à la photographie, jusqu’au 21 mai 2023. Cette rétrospective, une première en France, rassemble plus de 200 photographies, vidéos et installations créées depuis le début des années 2000, ainsi que de nombreux documents d’archives.
Mettre en lumière la communauté noire LGBTQIA+ d’Afrique du Sud
Alors même que L’Afrique du Sud a intégré les droits des minorités LGBTQIA+ dans la déclaration des droits postapartheid en 1996, les populations queer ou s’identifiant comme telle restent fortement discriminées et persécutées dans un pays encore en pleine reconstruction identitaire post-coloniale. Que faire quand on compte les victimes d’actes homophobes et transphobes, jour après jour ? L’activiste visuel·le non-binaire Zanele Muholi a choisi de brandir l’objectif de son appareil photo afin de non seulement documenter ces vies en résilience mais aussi célébrer les membres d’une communauté qui reste fière malgré l’adversité.
Tapissant les murs des différents espaces d’exposition, les portraits bouleversants de Zanele Muholi donnent visage à la pluralité des personnes LGBTQIA+ d’Afrique du Sud, l’artiste photographiant sans distinction tous·tes celleux qui revendiquent une appartenance à cette communauté marginalisée. Les participant·es, immortalisé·es en plan rapproché, à demi de profil, tournent tout entier leur regard vers l’objectif — et par extension vers le·la spectateur·trice pris·se dans un dialogue frontal et intime avec le sujet.
Se représenter soi-même aux yeux du monde
Après avoir grandi dans un township à la périphérie de Durban, Zanele Muholi s’installe à Johannesburg où iel s’inscrit, en 2002, au Market Photo Workshop, école fondée par le photographe sud-africain David Goldblatt. Cette formation constitue un tournant majeur pendant lequel l’artiste définit son travail photographique et artistique en corrélation absolue avec son engagement envers la communauté LGBTQIA+ sud-africaine. Iel développe ainsi une importante archive visuelle ouverte, qui prend pour sujet principal les femmes noires lesbiennes. Emblématique de sa démarche, la série intitulée « Faces and Phases se compose aujourd’hui d’environ 300 portraits de femmes, rencontrées à travers tout le pays et avec lesquelles Zanele Muholi souhaite établir une relation fondée sur une compréhension mutuelle.
Au centre de son travail visuel, la célébration de la femme noire se retrouve de manière tout aussi intime dans les différents autoportraits intitulés Bester (issus de la série « Zanele Muholi: Somnyama Ngonyama, Salut à toi, Lionne noire »), où l’artiste, parée d’accessoires composés d’éléments domestiques (pinces à linge, éponges, et autres), rend hommage à sa mère, qui fut toute sa vie femme de ménage chez une famille d’Afrikaners, dénonçant ainsi les conditions de vie et de salaire de bon nombre de travailleuses sud-africaines.
L’exposition visible à la MEP jusqu’ à la mi-mai présente enfin la dernière série photographique de Zanele Muholi, Somnyama Ngonyama4, qui marque une nouvelle étape dans sa carrière. Iel se confronte ici directement à la caméra. Ses autoportraits illustrent de façon théâtrale différents moments de l’histoire politique de l’Afrique du Sud et dénoncent l’oppression de la population noire. À mi-parcours, une salle de documentation est consacrée à inkanyiso.org5, plate-forme Internet créée par Zanele Muholi en 2009 pour rassembler et donner la parole à la communauté LGBTQIA+ : les sujets de ses photographies peuvent ainsi partager leur expérience et débattre ou informer sur des questions qui leur sont chères.