UN (BON) POINT POUR OLYMPE DE G.

Produire du porno éthique et féministe, c’est possible. Défétichiser la sexualité, mettre en valeur sa beauté dans son état le plus naturel, aussi. Olympe de G., pornographe, y est parvenue. Et pour ça, bravo.

Olympe de G. – © AGY

Dans l’édito mode de ce numéro, pour incarner la liberté, nous avons notamment choisi une femme dont le corps représenté nu est marqué par le temps, dont la peau a vécu. On a eu envie de démystifier le corps de la femme qui n’a plus 20 ans. Lutter contre l’âgisme. C’est dans cette dynamique qu’Olympe de G., pornographe de 37 ans, a eu envie de filmer la sexualité d’une femme de 69 ans dans son film Une dernière fois : pour défétichiser cette « MILF » si souvent mise en scène dans le porno mainstream. Pour montrer que la femme de plus de 50 ans peut être désirée et désirante. Rencontre avec celle qui a fait de la pornographie son terrain de jeu visuel et… audio.

Dans une interview, tu as dit que tu t’adaptais au public en face de toi pour répondre à : « Que fais-tu dans la vie ? ». Avec nous, tu peux être transparente. Alors, que signifie être pornographe?

J’écris des scénarios pornographiques qui me semblent aussi excitants qu’intéressants, et il me tient à cœur qu’ils viennent combler certains déficits de représentations. Je fais pas mal de coécriture avec d’autres autrices, comme Alexandra Cismondi. Puis je réalise aussi, c’est-à-dire que je choisis les personnes qui vont incarner les personnages, le média (audio ou film), la direction créative, etc. Je m’implique dans la production, car c’est important de faire en sorte que le chemin de production soit res-
pectueux de chacun.e. J’ai également été actrice dans trois films, mais je ne joue plus.

Après des années à avoir travaillé dans la pub, tu ressens le besoin d’évoluer dans le milieu de la pornographie, pour montrer la vraie sexualité féminine. Comment une telle prise de liberté est-elle possible?

J’ai la chance d’être entourée de personnes tolérantes et bienveillantes, qui ont compris que ce que je faisais me faisait du bien. Au début, iels ont eu peur pour moi, à cause des présupposés comme quoi une femme ne pourrait que subir ce milieu. Pour moi, c’était tout l’inverse, je m’y libérais. Je dois dire que l’intérêt des médias pour mon travail a aidé à ce qu’iels arrêtent de se faire du souci. Iels voyaient que je bénéficiais d’une certaine légitimation.Ce n’est pas le cas de toutes les personnes qui se lancent dans le porno ou le militantisme pro sexe… Financièrement, ma liberté vient du fait que j’ai un autre travail à plein temps – je ne gagne pas d’argent avec le porno.

Avant de prendre réellement en main la réalisation, tu as eu l’intelligence de tourner toi-même dans un film. Question de légitimité. Qu’as-tu appris en jouant?

Déjà, à porter un regard aimant sur moi-même. J’ai aussi appris, quand je me suis rendu compte que tous.tes mes collègues «civil.e.s» m’avaient vue dans mon premier porno, que j’assumais à 100 %. Et donc, que j’avais fait le bon choix, j’en étais fière. J’ai également compris qu’en tant que réalisatrice, je devais permettre aux performeur.se.s de créer leur bulle. Me faire la plus discrète possible et mieux encadrer les conversations préliminaires autour des limites de chacun.e.

Finalement, plutôt que de réaliser du porno filmé, tu te spécialises dans le porno audio. Pas pareil…

C’est sûr ! Les performeur.se.s sont habillé.e.s, debout devant un micro pour lire leur texte. Parfois, on tire les rideaux de la cabine pour qu’iels puissent créer leur intimité, être déconnecté.e.s. La performance n’a rien de comparable, elle est bien plus light. Autre différence : le porno audio est beaucoup plus facile à produire – parce que c’est du sexe simulé et que ça demande un budget dix à vingt fois inférieur ! Ça permet vraiment d’être inclusif.ve, puisqu’on laisse l’audience imaginer ce qu’elle veut au lieu de lui imposer des images.

Penses-tu que le contenu que tu produis ait une visée éducative?

Oui, mais au sens large. De la même manière que je regarde un film ou lis un livre pour m’enrichir, pour adopter la perspective de quelqu’un d’autre sur le monde, je souhaite que mon porno permette aux gens de s’ouvrir à de nouveaux territoires, d’aiguiser leur curiosité.

Dans Une dernière fois, Salomé, 69 ans, jouée par Brigitte Lahaie, décide de programmer sa disparition. Parmi ses « dernières fois » : la dernière fois qu’elle fera l’amour. Le bouquet final de son artifice intime. C’est vrai qu’on passe un sacré bout de temps à penser à notre première fois, mais quid de la dernière? Tu l’imagines comment, la tienne?

Je ne l’imagine pas ! Parce que je me donne l’autorisation par avance de ne plus rien en avoir à faire du sexe à cet âge-là. Si c’est important pour moi, on verra bien. Peut-être que j’essaierai de partir en plein orgasme avec mon stimulateur clitoridien préféré (Rires) !

Tu n’as pas de mal à dire que ta santé mentale n’est pas toujours au top. Mine de rien, elle est intimement liée à notre sexualité… Qu’en penses-tu?

Oui, la sexualité est pour moi un peu le canari dans la mine de charbon de la santé. Quand quelque chose ne va pas, c’est la sexualité qui en pâtit. Puis le sommeil, l’appétit, la concentration, etc. Ça m’a pris des années de ne pas culpabiliser d’avoir des périodes asexuelles. Ça arrive, ça peut durer, et c’est ok. Le sexe n’a pas à être une préoccupation de premier plan non-stop; le sexe n’est pas un besoin. C’est un facteur potentiel d’épanouissement, mais il y a aussi d’autres trucs vachement importants dans la vie!

Article du numéro 49 « Liberté » par Juliette Minel

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