Les bienfaits de la marche méditative

Depuis nos premiers pas chancelants assistés d’un trotteur et nos premières balades vacillantes entre le berceau et les bras tendus des adultes, on en a parcouru du chemin ! Pour les personnes valides, la marche est une action quotidienne des plus ordinaires. Comme des automates, nous déambulons et foulons le sol sans même nous en rendre compte. Pourtant, pratiquée en randonnée et/ou mêlée à la méditation et à la pleine conscience, la marche peut être une immense source de bénéfices pour la santé mentale et physique !

texte noir sur fond violet "Marcher pour s'apaiser"
© PAUL.E

« Méditer en marchant ou apprendre à se promener avec intention peut transformer les trajets quotidiens en voyages introspectifs et guérisseurs ! »

Dans les couloirs du métro, d’une pièce à l’autre de leur maison, en allant faire les courses au supermarché du coin ou en balade dominicale, les personnes valides marchent au quotidien. Mais en sont-elles vraiment conscientes ?

 

« Nous n’avons plus besoin de courir »

Depuis plus d’un an, les mesures sanitaires nous ont poussé.e.s à mettre le nez dehors pour nous dégourdir les jambes quelques instants par jour, tout en nous forçant à réduire le périmètre de nos balades. Malgré ces parcours journaliers, vissé.e.s sur nos chaises de bureaux ou devant nos écrans, nous sommes de plus en plus sédentaires. Tête baissée sur nos smartphones, le pas pressé, nous nous ruons d’un point A à un point B par habitude et manque de temps, et les trente minutes de marche quotidienne conseillées sont, pour beaucoup, loin d’être atteintes.

Stimulation du flux sanguin, renforcement des articulations, élimination des toxines… Les bienfaits de la marche sur la santé mentale et physique ne sont pourtant plus à prouver. « Depuis la crise sanitaire, j’ai changé ma routine et me réveille quarante-cinq minutes plus tôt pour ma promenade matinale », raconte Laura, responsable marketing à Paris qui compare ces balades en solitaire à des « moments de lâcher prise » et à des « coups de fouet pour le corps et le mental ». Puisqu’elle permet à notre cerveau de rediriger positivement notre attention, la marche est l’un des outils les plus efficaces contre l’anxiété et certains troubles de la santé mentale. Une étude de Marc Berman du Rotman Research Institute à Toronto a montré que « la marche dans la nature peut compléter ou améliorer les traitements existants de la dépression clinique ». Et lorsqu’elle est associée à la pleine conscience, la marche est encore plus redoutable contre le stress. Une autre étude menée par Meghan K. Edwards, Simon Rosenbaum et Paul D. Loprinzi a prouvé que seulement dix minutes de méditation combinées à une courte marche aidaient à réduire l’anxiété.

« Quand nous sommes dans la précipitation, courant d’un endroit à un autre, à l’affût du bonheur, nous marchons comme des somnambules sans apprécier aucunement ce que nous faisons. Nous marchons, mais dans notre esprit, nous sommes déjà ailleurs : en train de planifier, d’organiser ou de nous faire du souci. À présent, nous n’avons plus besoin de courir. Chaque fois que nous ramenons notre attention à notre souffle et à nos pas, c’est comme si nous nous réveillions », explique Thich Nhat Hanh, l’un des instigateurs du bouddhisme zen et de la marche méditative en Occident, dans son ouvrage Vivre en pleine conscience : marcher.

Une pratique simple et invisible

La marche méditative, pratique consistant à se déplacer à pied en pleine conscience, permet aux personnes valides de prendre le temps de se reconnecter avec leur corps et de focaliser leur attention sur leurs mouvements. Inspirée du Kinhin (méditation marchée pratiquée dans le bouddhisme zen), c’est un exercice invisible à la portée de toutes les personnes capables de se mouvoir à pied et ce, à chaque instant de la journée. « La première chose à faire est de lever le pied. Inspirez, posez le pied devant vous : d’abord le talon, puis les orteils. Expirez. Sentez vos pieds solidement ancrés dans la terre. Vous êtes déjà arrivé.e », résume simplement Thich Nhat Hanh. En attendant que la pratique devienne votre seconde nature, pour éviter de créer un embouteillage en pleine ville, il est recommandé de s’entraîner dans des lieux peu fréquentés.

La méditation en mouvement, par sa simplicité et ses bienfaits, permet aux personnes sédentaires, aux débutant.e.s ou à celleux qui souhaitent trouver une alternative à la méditation assise classique, de se détendre et d’apprécier une chose aussi simple que le fait de marcher.

« Pratiquée en pleine conscience, la marche permet au corps et à l’esprit de s’ancrer dans le seul instant qui compte : le présent. »

 

Ici et maintenant

« La première fois que j’ai testé la marche méditative avec une amie, j’ai été surprise par la rapidité avec laquelle je me suis sentie sereine et détendue », se souvient Morgane, adepte de yoga et de randonnée. Pratiquée en pleine conscience, la marche permet au corps et à l’esprit de s’ancrer dans le seul instant qui compte : le présent. « Lors de mes randonnées, j’essaye de me connecter avec mes sens en faisant attention aux sons qui m’entourent, aux odeurs et aux sensations que je ressens, explique Morgane. Ça rend tout plus agréable, et j’oublie même l’effort ! »

En prenant conscience de l’instant T, notre esprit n’a nulle part où s’échapper ni aucun challenge à relever, si ce n’est celui de porter toute son attention sur l’air qui entre dans nos poumons, la plante de nos pieds qui s’étale sur le sol, le soleil sur notre peau et les panoramas alentour. Pas à pas, les pensées négatives s’envolent, les muscles se détendent et on parvient à se concentrer sur l’ici et le maintenant, jusqu’à incarner sa marche et à atteindre un état de quiétude profond. « La technique à pratiquer est de marcher en étant exactement là où vous êtes, même si vous êtes en train de vous déplacer. Votre destination véritable est ici et maintenant, car la vie n’est possible qu’en cet instant et en ce lieu » rappelle Thich Nhat Hanh, qui ajoute qu’une marche méditative est réussie lorsqu’on arrive à être « tout en bas, dans [nos] pieds, et non là-haut dans [notre] tête. »

Reconnexion

« J’ai marché, marché, l’esprit en mode primal, vide de toute pensée à l’exception d’une seule : aller de l’avant. J’ai continué jusqu’à ce que mon corps se rebelle et que je ne puisse plus mettre un pied devant l’autre. Alors j’ai co uru », écrivait Cheryl Strayed dans son ouvrage Wild après avoir traversé seule le célèbre Pacific Crest Trail en 1996. Comme pour la romancière américaine, qui a réussi à braver son deuil et son addiction grâce à son trek en solitaire, la marche nous autorise parfois à dépasser nos schémas ou capacités physiques et mentales et à mieux en tracer les limites.

Marcher en solitaire nous autorise à créer une forme d’intimité avec nous-même, à stimuler notre imagination, mais aussi notre spiritualité, en témoignent les nombreux pèlerinages religieux. Pratiquée en pleine conscie nce, une marche permet également de tracer son propre chemin de vie et de transformer de simples promenades en explorations symboliques et révélatrices. « J’ai réalisé que les chemins n’étaient pas qu’un sillon de boue séchée – ils sont aussi une métaphore, qu’on retrouve dans toutes les cultures et toutes les religions, et qui cache un sens plus profond. Ils créent de l’ordre et donnent du sens au chaos », confiait l’écrivain et randonneur Robert Moor au magazine Flow. Car finalement, avancer en dépit des obstacles et réussir à trouver son propre chemin, n’est-ce pas là le sens même de la vie ?

Article du numéro Paulette 51 « Vibrer » par Audrey Couppé De Kermadec 

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