TOUCHE PAS À MES TRESSES : ON FAIT LE POINT SUR L’APPROPRIATION CULTURELLE
Anneaux d’or vu au septum de toute les it-girls du moment, invasion de Sugarskulls pour Halloween, coiffes d’indien devenues l’accessoire incontournable de festival et j’en passe…
Que nous en soyons conscients ou non, l’appropriation culturelle est partout, des habits que nous portons à la nourriture dans nos assiettes en passant par la musique dans nos playlists. Récemment, notre article sur les boxer braids a hérissé certaines d’entre vous. Loin de nous l’idée de vouloir esquiver le sujet, voici donc une petite explication de ce qu’est l’appropriation culturelle et de ses subtilités.
> Qu’est ce que l’appropriation culturelle exactement ?
L’appropriation culturelle c’est l’utilisation d’un ou plusieurs éléments d’une culture autre que la sienne hors de son contexte original et pour son plaisir personnel. Ou si vous préférez, c’est jouer sur des stéréotypes d’une culture uniquement pour l’esthétique de son folklore. Souvenez vous du #Nothappy provoqué par la coiffe à plumes de Pharrell Williams en couverture du magazine Elle. Le chanteur s’était par la suite excusé publiquement de cette atteinte à la culture amérindienne. Certains comparent cette “pratique” à la découverte par Christophe Colomb de territoires déjà occupés. Mais cette appropriation est elle a sens unique?
C’est la que ça se corse: L’appropriation est à ne pas confondre avec l’assimilation culturelle. L’une est l’utilisation des codes d’une minorité pour leur esthétique, tandis que l’autre, est le fait de se conformer aux codes de la “majorité” dans le but de s’intégrer (ex les lissages de cheveux crépus ou le blanchiment de peau).
Concrètement, Beyonce en tenue traditionnelle de mariée indienne dans un clip ou Katy Perry déguisée en geisha lors d’un concert, c’est de l’appropriation. A l’inverse, la perruque blonde de Nikki Minaj, c’est de l’assimilation. Je vous vois venir : l’appropriation culturelle fait partie intégrante de notre culture depuis toujours, tout le monde le fait, alors pourquoi on en fait tout un plat ?
Et c’est la que je vous réponds:
Premièrement, le bénéfice. Cette appropriation est bien souvent injuste pour les peuples qui ont été victimes de persécutions en raison de ces signes culturels ostentatoires. Signes qui sont par la suite repris par une majorité qui en tirera un profit sans pour autant en créditer l’origine. Pas très cool.
Secondo, l’appropriation sort l’élément culturel de son cadre originel et l’utilise souvent sans connaissance de sa signification. Les coiffes amérindiennes étaient par exemple données aux hommes émérites ayant accompli un acte de bravoure pour leur communauté. Le voir porte par Karli Kloss en string sur le podium de Victoria Secret peut être quelque peu déconcertant voire franchement blessant pour quelqu’un de cette ethnie.
Et pour en revenir à nos tresses, à l’origine, le tressage des cheveux afros relève plus de la nécessité que d’un parti pris esthétique (bien qu’il soit maintenant devenu pour certaines un véritable exercice de style et étendard de la fierté afro). Voir ces coiffures placardées dans tous les magazines de mode, le plus souvent sur des mannequins occidentales, reviendrait à dire que cette coiffure n’a de valeur esthétique que sur les femmes blanches. Encore une fois.. pas très sympa.
“Le problème avec l’appropriation culturelle c’est que la culture dont est tirée une tendance est rarement reconnue.” explique Fatou N’diaye, militante pour la reconnaissance de la culture afro et auteur du blog beauté Black Beauty Bag.
“Quand des designers utilisent “nos” codes, (comme Marc Jacobs qui a fait défiler des filles coiffées de Bantu knots pour l’une de ces collections) les médias se mettent a dire qu’il est à l’origine de ce style, mais cette coiffure existe dans la tradition africaine depuis plus de mille ans et ça personne n’en parle ! Le nattage fait partie intégrante de la culture africaine. Mon père est malien et depuis toute petite on passe des heures avec ma mère, ma grand mère et les autres femmes de la famille à se natter mutuellement les cheveux. Cet apprentissage se fait de mère en fille depuis des générations. Pour nous, c’est un vrai moment de transmission.
Et de continuer “Je trouve ça blessant que quelqu’un mette à profit une culture qui n’est pas la sienne. Je ne dis pas que les blanches ne doivent pas porter ces coiffures, au contraire, je suis pour la “vulgarisation” de ces styles, toutes les femmes peuvent être belles et je pense qu’il ne sert à rien de compartimenter la beauté selon la couleur de peau. Le problème, c’est que quand ces coiffures sont portées par des femmes noires, les médias s’insurgent, chose qu’ils ne font pas pour les femmes blanches. Ça n’a aucun sens. Je me souviens d’une photo de Cara Delevigne portant des boxer braids avec en légende “African Queen” tandis qu’une photo de Beyonce avec cette même coiffure avait été taxée de “négligée” par le même média quelque temps auparavant.
Les médias se contentent de juger, ils ne cherchent pas à éduquer leurs lecteurs sur le sujet et c’est bien dommage. Il suffirait pourtant d’une ligne ou d’une photo pour expliquer la provenance d’un style et accorder du crédit à la culture dont il est tiré. Créer mon blog Blackbeautybag, c’était une manière pour moi de dire à celles qui le liraient que si on ne parle pas de nous, et bien on le fera nous même.
> Mais alors ou se situe la limite en l’appropriation et l’appréciation ?
Les voyages, les recherches et la participation à des rituels et célébrations d’une autre culture sont autant de façons d’apprendre à la connaître sans pour autant se l’approprier. Si la curiosité vis a vis d’une culture étrangère est enrichissante et essentielle au développement de notre société, elle ne justifie pas pour autant d’utiliser celle-ci pour en faire ce que bon nous chante c’est pourquoi nous tenons à présenter nos excuses à toutes celles qui ont réagi à notre article.
> Article de Louise Baxter