Tiscar Espadas, le label espagnol qui nous invite à renaître
Il existe des premières fois qui vous laissent une impression indélébile, un sentiment que vous gardez en mémoire pendant longtemps, et qui, au détour d’une madeleine, vous fait sourire comme au premier jour. Le défilé Tiscar Espadas, Capìtulo IV, en fait partie.
Un chapelet de silhouettes de dandy mi-poète, mi-aristocrate rescapé du naufrage de sa caravelle au large d’une île tropicale inexplorée. Telle est l’image qui saute aux yeux en découvrant le dernier chapitre de l’épopée du jeune label Tiscar Espadas. Intellectuelle dans l’âme et dans la pratique, la designer, dont la marque porte le nom, crée des vêtements qui établissent un lien vers un langage esthétique beaucoup plus large et diversifié, où la collaboration avec d’autres artistes, disciplines et artisans forme un univers complet. La délicatesse des détails, le soin porté au choix des matériaux et le hasard, aussi, de ce qui se retrouve accidentellement sur la route du processus de création font que chaque pièce Tiscar Espadas est unique.
Après avoir fait ses gammes dans différentes maisons de couture à Madrid et à l’atelier Henrik Vibskov à Copenhague, la diplômée du Royal College of Art à Londres et lauréate de la bourse Burberry décide d’ouvrir son propre studio en 2019. C’est forte de 5 collections à succès — dont 2 dans la même année 2022 — que Tiscar Espadas partage avec nous son parcours, ses inspirations et la passion qui l’anime. Rencontre.
P. : Quel regard portez-vous sur votre nouvelle collection Capìtulo IV alors qu'elle vient à peine de défiler dans le calendrier de la 080 Barcelona Fashion Week SS23 ?
T. E. : Je suis très fière de cette nouvelle collection. Évidemment, la perfectionniste en moi n’est jamais totalement satisfaite. J’ai toujours l’impression que j’aurais pu faire mieux. Cependant, dans la vie, il faut savoir apprécier ce que l’on a accompli. Quand je vois l’enthousiasme des mannequins et des gens qui m’aident en backstage, je suis très fière et contente de cette atmosphère de camaraderie que nous avons créée. Je pense que si le public a ressenti une émotion, je peux en être fière. Ça veut dire que nous avons fait quelque chose d’intéressant.
P. : Que souhaitez-vous raconter à travers cette collection ?
T. E. : Nous voulions faire participer le public et engager ses sens parce que c’était notre premier défilé. C’était très important pour nous de créer une atmosphère, d’avoir une odeur, de faire marcher les mannequins très lentement pour que l’on puisse bien voir les vêtements. Il n’y a pas de précipitation et on peut voir les détails, les textures, les couleurs, sentir les odeurs et apprécier la musique. La collection s’est construite de manière assez organique et intuitive. Nous voulions exprimer des émotions et révéler notre univers. Ce que nous sommes. Cette collection est la rencontre de différents personnages, de différentes inspirations que nous avons mélangés afin de créer quelque chose d’unique. Nous voulions réveiller des souvenirs à travers des senteurs qui évoquent mille choses.
P. : Par quoi est inspirée cette collection ?
T. E. : Nous créons d’abord des personnages. Des personnages que je dessine et qui naissent de mon imagination. Sans trop y réfléchir, je dessine différents personnages, je crée des formes à coups de crayon et un concept naît. Dans un personnage, il y a des choses que vous pouvez voir et des choses que vous ne pouvez pas voir. Une fois sur le mannequin, ces personnages prennent forme, sont modifiés et deviennent une identité. Iels sont l’amalgame de différentes références et de différentes inspirations qui forment un tout, une certaine cohésion.
P. : Pourquoi avoir autant joué sur les matières, les textures et les détails dans chaque look ?
T. E. : J’adore ajouter des détails aux vêtements car c’est ce qui les rend uniques. Nous travaillons beaucoup sur l’unicité, sur la personnalité et sur l’inattendu dans nos vêtements. Il est aussi vrai que beaucoup de détails et beaucoup de choses nous viennent par hasard en travaillant sur une silhouette. Parfois, on se dit, « tiens, ce serait pas mal s’il y avait un ajour ici ». On le fait, ça fonctionne et on le garde. C’est la raison pour laquelle nous apprécions ce moment du fitting avec les mannequins car c’est le moment où le vêtement prend vie et où l’on peut faire des modifications selon la personne qui porte le look. Tous ces détails font du vêtement une pièce unique. C’est ce qui me passionne. Créer quelque chose d’unique qu’on ne trouvera pas ailleurs. Inventer de nouvelles fonctionnalités dans des matériaux de qualité. Proposer des vêtements qui sortent des sentiers battus et qui ne correspondent pas à une tendance. Mais, qui expriment une personnalité. Quelque chose qui ne sera pas éphémère.
P. : Comment est née votre passion pour la création et pour la mode ?
T. E. : Je suis née à Ùbeda, dans le sud de l’Espagne, au sein d’une famille d’artistes. Dès ma plus tendre enfance, j’ai été exposée à l’art grâce à mon père qui est peintre. Ma mère, artiste, nous poussait également vers des activités créatives et stimulantes intellectuellement. Mon grand-père était lui aussi peintre et sculpteur. Donc, j’ai grandi dans un univers très créatif. Influencée par mes deux grands-mères couturières peut-être, je me suis lancée dans des études de mode. J’aimais déjà utiliser la machine à coudre et créer des vêtements selon mes inspirations et par instinct. J’ai fait 4 ans d’études de mode à Londres tout en travaillant dans le studio de création de différentes maisons de mode. Mon projet de fin d’études fut ma toute première collection. Je n’avais aucune attente particulière. Je souhaitais juste m’exprimer et créer quelque chose de personnel qui me corresponde à 100%. Cette collection a eu beaucoup de succès, notamment au Japon où elle fut vendue par différents concept-stores et boutiques. Depuis, je continue à créer et à m’amuser autant que je peux.