Retour sur la Fashion Week Homme de Paris PE24 en 5 temps forts
La Fashion Week Homme de Paris, édition Printemps-Été 2024, a vu défiler ce que la jeune création de mode a de plus innovant, de plus avant-gardiste, de plus sensible, de plus inclusif et de plus engagé, durant 4 jours aussi fiévreux qu'excitants.
Néophytes à l’exercice ou bien rodés au fil des saisons, les 5 labels qui suivent ont su transformer l’essai en affirmant leur vision authentique d’un vestiaire masculin et non genré pluriel et imaginatif, faisant tomber pèle-mêle les derniers carcans qui ont trop longtemps étriqué la garde-robe de ces messieurs.
Le rêve éveillé de 3.PARADIS
Émeric Tchatchoua a dévoilé sa collection « Journey of Dreams », célébrant les 10 ans de son label 3.PARADIS. Il rend ainsi hommage à ses racines en installant son défilé dans le quartier des Périchaux (XVème) où il a grandi. L’essence de sa marque prend inspiration dans la culture populaire et porte un message de paix, de créativité et de liberté. Cette collection inédite décrit le voyage des rêves. On y retrouve des costumes aux couleurs flamboyantes, des épaules démesurées et des bombers accessoirisés de filet en référence au basket. Mais aussi, des hybridations de matières et de style comme le manteau-sweat ou la veste mi jean mi cuir. La colombe, emblème du label, est omniprésente, sur les lunettes, les sacs et les pantalons. Le voyage se poursuit avec trois collaborations d’exception : les mocassins signés J.M. Weston, les bagages Rimowa et le maillot de foot floqué de colombes produit par le PSG. 3.PARADIS montre à nouveau son savoir-faire en matière de tailoring et de streetwear. Tel un grand frère qui montre la voie, Émeric Tchatchoua a dédié cette collection aux personnes qui ont décidé de « vivre leurs rêves et ne pas rêver leur vie ».
Bousculer les masculinités avec C.R.E.O.L.E
Vincent Fréderic-Colombo, fondateur de la marque engagée C.R.E.O.L.E pour Conscience Relative à l’Émancipation Outrepassant Les Entraves a présenté sa 3ème collection au Palais de Tokyo. Au programme, une scénographie originale guidée par les voix de trois chanteurs antillais entourés des mannequins qui ne défilent pas, mais se prélassent sur des estrades et autour d’une table de jardin. Inspirée par le premier film antillais « Coco la Fleur, candidat », la présentation fut haute en couleurs, entre ensembles à rayures, débardeur en tissage de perles et imprimés graphiques. La marque se veut à la fois workwear, culturelle, unisexe et queer, en mêlant les coupes oversize et seconde peau pour apporter une touche sexy au prêt-à-porter masculin. Côté accessoires, le designer propose des bijoux inédits. Il décline son logo aux six C en boucles d’oreilles et en broches. Les chapeaux sont en crochet et les caleçons bouffants. C.R.E.O.L.E parle foncièrement à tou.s.tes, en réinterprétant les codes du vêtement masculin.
Un voyage futuriste et queer par Lagos Space Programme
Originaire du Nigeria et s’inspirant de la culture Yoruba, le label Lagos Space Programme (LSP studio) a proposé sa nouvelle collection intitulée « Cloth as a queer Archive ». Son créateur Adeju Thompson met à l’honneur les mélanges de motifs soulignés par des bijoux dorés épurés et des tissus indigo. La présentation a eu lieu au Palais de Tokyo accompagnée d’un film d’Isabel Okoro rappelant l’idée de se concentrer sur soi même et d’incarner l’« être » queer. Récompensé par le Prix international Woolmark 2023, le LSP studio se démarque par son concept novateur de vestiaire non binaire et d’hybridation entre tradition et modernité. Le designer soumet une étude du minimalisme du point de vue africain dont l’esthétisme est souvent perçu en opposition avec le style européen. À l’image de la culture queer, ses vêtements ont une fonction décorative et protectrice : c’est une véritable parure pour se sentir plus libre. Le label favorise également les collaborations afin de célébrer l’artisanat, notamment avec les chaussures à bout carrés faites à main à Lagos par Kiing Daviids et le maillot de foot designé pour les Nigeria Super Eagles en partenariat avec Nike et Metallic Inc.
L’aisance selon Ziggy Chen
Ziggy Chen a dévoilé sa vision de l’été 2024 avec sa nouvelle campagne « Inadvertency ». Dans un décor brut, sa horde de modèles errent lentement avec une attitude presque nonchalante, arborant leurs looks élégants et décontractés. Le designer a puisé son inspiration dans le vestiaire des travailleurs chinois des années 40, avec une volonté de présenter des vêtements qui auraient traversé le temps. Porté par un concept de spontanéité, Ziggy Chen a étudié les matières et les tissus afin de créer un imprimé exclusif : un motif délavé et texturé qui révèle plusieurs teintes naturelles. Chez l’homme, l’allure se veut formelle, les costumes et les chemises ont une coupe oversize. Chez la femme, le style est plus épuré, avec des jupes drapées et des pantalons fluides. Les silhouettes sont sublimées par des mocassins et des ballerines volontairement usés. La collection démontre l’ingéniosité du créateur qui réinvente la simplicité d’antan pour en faire une mode actuelle et durable, en prenant toujours en considération le confort et l’espace nécessaire aux mouvements du corps.
Une célébration de la mode en danse
C’est dans une ambiance sombre propre à une soirée électro que Marine Serre a fait défiler sa nouvelle collection SS24 intitulée « Heartbeat ». Aux premiers vrombissements de la playlist du défilé, Teyana Taylor ouvre le bal sur des notes de Clair de lune de Debussy revisitées. Tout en faisant danser la foule, la gagnante de l’ANDAM 2020 n’en oublie pas pour autant ses engagements, mêlant diversité et écologie. En effet, sa prise de position en faveur de l’inclusivité se dessine à travers le groupe éclectique de mannequins et d’artistes musicaux qu’elle choisit de faire défiler, de Yseult à Brooke Candy, en passant par Miguel. S’invitent également à la fête, des pièces plus folles les unes que les autres, des t-shirt recyclés, des robes longues en crochet, des pièces en denim et des ensembles en imprimé hibiscus qui rappelle la beauté d’Hawaii. Cette piste illuminée par des flashs aveuglants devient le théâtre du franc succès de la créatrice originaire du Sud-Ouest de la France. Amour, écologie et inclusivité ont encore une fois brillé.
Article d’Esther Druel et de Lily-Rose Rueda.