Paolina Russo reçoit le Zalando Visionary Award, en partenariat avec la Fashion Week de Copenhague

PAUL•E : Comment vous êtes-vous rencontrées et quel a été votre parcours jusqu’à aujourd’hui ?

Paulina Russo : Nous avons toutes les deux étudié à Central Saint Martins. Lucile se spécialisant dans la mode féminine et moi dans la maille. Cette école nous a appris à quel point la communauté est essentielle dans le processus créatif et nous avons rencontré la plupart des collaborateur·rices avec lesquel·les nous continuons à travailler aujourd’hui. Nos chemins ne se sont pas vraiment croisés à l’école, mais nous avons ensuite partagé un studio à Londres (les loyers sont élevés !). En réalisant que la gestion d’une marque n’est pas l’affaire d’une seule personne, nous avons décidé d’unir nos forces. C’est ainsi que nous avons fondé la marque en 2021, avec pour éthique une compilation rose bonbon de mon éducation canadienne et des références folkloriques françaises de Lucile. Se rencontrer et former un duo a été le premier pas vers le travail d’équipe ! Ces dernières années ont été l’aboutissement d’un travail acharné qui nous a permis d’être nommées lauréates du Zalando Visionary Award, en plus d’être désignées comme finalistes de l’édition 2023 du prix LVMH.

P. : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre envie de moderniser l’artisanat traditionnel grâce à des procédés technologiques ?

P.R. : En tant que marque axée sur le tricot et fascinée par l’artisanat traditionnel, nous expérimentons en permanence les nombreuses possibilités qu’offre la maille. Notre objectif est de créer un contexte moderne pour l’artisanat en développant des moyens pour que la technologie pousse l’artisanat traditionnel, et vice versa. Ce faisant, nous pouvons développer des produits qui combinent les techniques artisanales et la fabrication industrielle pour repousser les limites de nos créations. Des produits tels que nos tricots signature au motif illusion en sont un bon exemple. Le tissu a un effet optique : le graphisme bouge avec celui ou celle qui le porte. C’est la version tricotée d’un effet lenticulaire. Il s’agissait au départ d’une technique manuelle que nous avons développée pour l’automatiser. Pour la saison FW23, ces pièces ont été entièrement conçues au Royaume-Uni : le fil de laine a été acheté, filé et tricoté au Royaume-Uni, et les pièces ont été teintes à la main avec des colorants naturels fabriqués à partir de pierres, d’épices et de fleurs provenant tous du Royaume-Uni. Ces pièces sont entièrement compostables et sont le fruit d’une collaboration entre les artisans et la technologie.

P. : Vous avez mis en place ce que vous appelez un « réseau de fabrication collaborative » et traitez vos fabricant·es plutôt comme des partenaires créatifs. Comment cela fonctionne-t-il dans la pratique ?

P.R. : Nous encourageons l’innovation par le biais de notre approche de la fabrication, car nous pensons que le plus grand changement commence dans l’atelier. En développant un réseau de fabrication collaboratif, nous traitons notre chaîne d’approvisionnement comme des partenaires créatifs et invitons à l’échange de connaissances. Nous travaillons en face à face et le plus localement possible avec notre chaîne d’approvisionnement afin d’aborder le développement de manière pratique et d’expérimenter dans les installations de nos fabricant·es. En expérimentant, en recherchant, en échangeant des connaissances, en posant des questions et en incluant tout le monde dans le processus créatif, nous pouvons trouver des moyens innovants et originaux de fabriquer des vêtements intemporels qui peuvent être fonctionnels, durables et responsables.

P. : Quelle fut l’inspiration de votre dernière collection ? 

P.R. : Comme toujours, nos collections sont un entrelacement de nos fantasmes d’adolescentes et des références nostalgiques à notre enfance en banlieue et à la campagne. Cette saison, nous mélangeons les codes sportifs de Paolina Russo avec les fantaisies folkloriques des cercles de pierres. Les couleurs de la collection établissent un parallèle entre les dessins à la craie sur les trottoirs et les anciennes gravures sur pierre, ce qui donne une palette qui contraste avec les tonalités de la terre et des boîtes de crayons de couleurs. Grâce à une exploration subversive de la maille, de l’imprimé, du jersey et du denim, les thèmes du mysticisme et du futurisme sont mis en avant. Nous mettons l’accent sur l’innovation dans les fibres de coton recyclées. Cela réaffirme l’engagement de la marque en faveur d’une pratique responsable, prenant en compte l’avenir des vêtements et de leur consommation. 

P. : Que signifie pour vous le fait d’être des actrices du changement dans l’industrie de la mode ?

P.R. : Nous pensons que c’est un signe et une validation du fait d’être sur la bonne voie. L’innovation et la nouveauté ne peuvent exister sans aller à contre-courant.