Et Diane Pernet créa ASVOFF, le festival mode, culture et film qui fête déjà son 14ème palmarès
Alors que "A Shaded View on Fashion Film", ou ASVOFF pour les initié·es, a vu triompher une belle sélection de films, petits et grands, savamment choisis par un jury trié sur le volet et présidé par Caroline de Maigret et Jean-Charles de Castelbajac, Diane Pernet, figure emblématique, presque tutélaire, du milieu de la mode internationale et de sa jeune création peut être fière d'avoir encore une fois braqué les projecteurs sur les grand·es de demain.
Au 1er jour d’un week-end de festival ASVOFF à la programmation dense, PAUL·E a eu la chance de passer plus d’une heure avec cette Américaine de nationalité, mais Française de coeur et d’adoption, dont l’apparence monacale ne saurait trahir la générosité du tempérament. Chacune de ses longues phrases est ponctuée d’un rire qui se termine par un sourire en coin, comme si vous l’a connaissiez depuis toujours. Émotive et instinctive, Diane Pernet nous a laissé pénétrer sa chambre à soi, dont l’exploration s’apparente à un chemin de cocagne peuplé d’images, de souvenirs, d’anecdotes croustillantes et d’un puit de savoir sur un milieu qui la passionne depuis toujours. PAUL·E vous invite à prendre place dans le flux de conscience de la dame en noir. Rencontre.
"J’ai créé ASVOFF car j'aime nourrir les gens. C'est ce que j'ai toujours aimé faire. Son nom a d’ailleurs changé. De mode, beauté et style, il s’appelle désormais festival de mode, culture et film. C’est exactement ce dont il s’agit. J’aime trouver la créativité partout où elle se trouve. Je pense que c'est ce qui rend la vie intéressante et j'aime offrir une plateforme aux gens talentueux. Ça peut être de la musique, ça peut être de l'art, ça peut être n'importe quoi."
« J’ai toujours été à mon compte. Et tout ce que je fais, je le fais pour promouvoir des talents. »
"Vous connaissez Woodkid ? Je lui ai proposé son premier concert et c'est lui qui a fait le logo de ASVOFF. Regardez ce qu’il est devenu ! Je me souviens qu’il vivait au-dessus d'un McDonald's dans le 13e arrondissement ou quelque part là-bas et il partageait un appartement avec son producteur. J’étais allée chez lui et il m’avait joué du ukulélé. Il m’avait aussi confié vouloir jouer avec un orchestre de 27 musicien·nes. Cinq ans plus tard, je suis assise dans des gradins entourée d’une foule qui scande « Woodkid, Woodkid » et sur scène, un orchestre de 27 musicien·nes. C'était génial."
Quand on lui parle cinéma et grands auteur·rices, elle évoque…
"John Cassavetes, Pasolini, Fassbender, Hertzog. Ou aussi Quentin Tarantino, Adam et Brian à leurs débuts, Stanley Kubrick. J'aime toute sorte de films et toute sorte de gens. C’est aussi la raison pour laquelle, j’ai décidé de faire la sélection officielle, mais d’inclure d'autres personnes dans le processus de curation. Je veux ouvrir le festival à d’autres domaines et avoir des personnes qui sont des autorités dans différents domaines à mes côtés."
Avec la pandémie de Covid 19 et les restrictions sanitaires qui ont suivi pendant de longs mois, l’industrie de la mode s’est réinventée et a laissé place à d’autres moyens d’expression et de présentation. Le film de mode — ou fashion film — en a pleinement bénéficié, au point de supplanter les traditionnels défilés..?
"Je pense que les deux peuvent coexister. Vous savez, j'étais plutôt contente pendant le confinement. J'ai demandé aux gens de faire des petits films. On vivait tous·tes des moments que personne n’avait vécu auparavant. C’était historique. Puis, il y a eu les fashion week digitales. On pouvait tout voir en ligne. C’était génial, car je n’aime pas forcément quand les gens m’embrassent ou me prennent dans leur bras. C’est mon côté plus japonais, peut-être. Le festival a eu lieu en ligne aussi et c’était plus simple bien sûr. Cependant, le festival c’est aussi des rencontres, des conversations entre metteur·ses en scène et passionné·es, des échanges d’idées et d’expériences. Donc, je comprends cette envie de revenir à la normale. J’ai eu des conversations sur Zoom passionnantes. Mais, je comprends ce désir de revenir à la vraie vie."
Dénicheuse de talents, beaucoup de designers influents du moment ont reçu leurs premières félicitations et interviews de Diane Pernet, comme Glenn Martens (Y/Project, Diesel), ou encore Demna Gvasalia (Balenciaga)…
"J'aime Demna, le designer de Balenciaga. Je le suis depuis qu'il est à l'école. Je lui ai donné son premier entretien et il me l’a rappelé. Je savais qu’il irait loin. Je me souviens encore de sa collection de fin d’études. Il y avait une histoire de marin, de chagrin d’amour… et les vêtements étaient très beaux. J’en avais parlé dans mon blog en 2006. J’avais écrit, « chasseur·ses de tête, gardez un œil sur lui ! ». Et maintenant, j’ai une petite dans le viseur. Elle est maintenant grande. Je l'ai rencontrée quand elle avait trois ans. Elle pensait que j'étais une fée. C’était au Palais de Tokyo. Sa mère m’a dit qu'elle pensait que j’étais une fée. C’était adorable. Je préfère ça à sorcière. Je l’entends déjà assez. Pas à cause de ma personnalité, mais parce que les gens adorent vous mettre dans des cases sans même vous connaître."
« Oh, tout ce que je fais dans ma vie c’est à l’instinct. Je ne planifie pas grand-chose à l’avance. Les deux dernières éditions ont été présidées par des réalisateurs. J’ai voulu changer un peu avec Caroline de Maigret. Je trouve que c’est une très belle femme. À l’intérieur comme à l’extérieur. Elle est tellement élégante et passionnée. C’est quelqu’un que j’aurais immédiatement casté à New York. Je l’adore. Je la trouve géniale. Elle pourrait être actrice. Je lui avais soufflé mon envie qu’elle soit maîtresse de cérémonie il y a 10 ans. Et voilà, nous y sommes. »
"Et Jean-Charles de Castelbajac, mon président d’honneur, a une histoire si longue avec la mode, en tant que costumier pour la série télévisée « Chapeau melon et bottes de cuir », pour Mick Jagger et Lady Gaga. J’adore ce mélange entre mode et pop culture. Quand je travaillais à WWD, tout le monde l’adorait. L’un des rédacteurs avait un crush sur lui, il pensait que c’était un dieu. Pendant toute cette vague d’attentats à Paris il y a quelques années, Jean-Charles dessinait ces petits anges à la craie dans Paris. Les voir sur les murs de la ville me rassérénait grandement. J’ai un respect immense pour lui."
Et le futur de la mode ressemblerait à quoi..?
"Il y a 10 ou 15 ans, quand j'étais à Tokyo, j’avais vu ce truc qui s'appellait Tokyo Girls. C'était près de 20 heures de défilés de mode non-stop et les gens utilisaient leur smartphone pour acheter au fur et à mesure. C'était il y a 15 ans, probablement 15 ans. Et en revenant en Europe, je me suis dit que les défilés de mode devraient être un spectacle pour le public. Comme ce qu’essaie de faire Olivier Rousteing chez Balmain. Un événement où les vrai·es consommateur·rices sont là."
« Ce que je trouve vraiment intéressant, c’est que beaucoup de TikTokeur·ses et de Youtubeur·ses aiment la mode, mais surtout aiment la raconter. Comme ideservecouture. Il s’intéresse à l’histoire de la mode. Il veut la transmettre et éduquer le public. Son contenu n’est pas auto-centré, même s’il y a forcément une part de personnalisation. Ce genre de TikTokeur·ses fait des recherches approfondies, montent des vidéos didactiques assez courtes et les diffusent gratuitement ! Je me moque de savoir ce que les gens mangent le matin au petit-déjeuner ou de voir leur pseudo vie parfaite. J’aime les créateur·rices de contenu qui nourrissent leur audience de savoir. »
"C'est la raison pour laquelle j'ai inclus des documentaires dans ma sélection pour cette 14ème édition de ASVOFF. Je suis fière de présenter une série documentaire comme "Kingdom of Dreams". C'est un documentaire qui retrace plus de 20 ans d'histoire de la mode. La jeune génération née dans les années 90 a une fascination pour ce qui s'est passé avant. C'est très drôle de revoir tout ça, parce que moi je l'ai vécu !" (Rires)
Un grand merci à Diane Pernet pour cette rencontre grâce à laquelle nous aurions pu écrire un livre entier…
ASVOFF, A Shaded View on Fashion Film par Diane Pernet a eu lieu en novembre dernier au 3537, à Paris. La 15ème édition se tiendra en novembre 2023.
Vous pourriez aimer...
Channel Tres, tout pour plaire
