Sous l’œil malicieux de Sir Paul Smith, la collection Picasso s’égaye
Nul besoin de lire entre les lignes pour comprendre l’affinité naturelle qui existe entre l’univers de Pablo Picasso et l’esthétique de Paul Smith. L’exposition intitulée « Célébration Picasso, la collection prend des couleurs » raconte à merveilles le grand peintre à travers le regard du grand designer.
Connu pour son travail sur la couleur et le sur-mesure, le désigner britannique à signer la direction artistique d’un accrochage exceptionnel, mettant à l’honneur la collection du musée Picasso à Paris. Coloré, vivant et un brin espiègle, ce nouveau parcours artistique imaginé par Sir Paul Smith se déploie autour des chefs-d’œuvre bien connus du peintre star. L’approche unique que le créateur de mode porte sur les œuvres invite le public à les envisager à travers une lecture plus contemporaine et souligne le caractère toujours actuel du travail de l’artiste espagnol, disparu il y a exactement 50 ans.
Une collection Picasso à la touche « So British »
Grâce à son regard pétillant, parfois malicieusement décalé, et son talent de décorateur, Sir Paul Smith pare le musée Picasso de mille couleurs étonnantes et rayonnantes. Un écrin parfait pour redécouvrir des œuvres iconiques dont l’accrochage dévoile aussi une part de l’artiste britannique à l’identité bien marquée. L’objectif avoué de Sir Paul Smith, « offrir un point de vue moins conventionnel, qui suscite une expérience plus visuelle, capable de retenir l’attention des jeunes publics et des personnes qui n’ont pas une connaissance approfondie du travail de Picasso. C’est une approche plus spontanée, qui relève davantage de l’instinct. ».
Salles après salles, mise en scène après mise en scène, tout l’univers ludique et poétique de Sir Paul Smith imprègne les murs où sont accrochés ses tableaux fétiches. « Rayures » rayonne comme LA pièce symbole de ce duo artistique anachronique (ou pas vraiment). Alors que les années 1930 voient Pablo Picasso jouer avec le motif des rayures, notamment dans la série des Femmes assises au fauteuil, créant un jeu chromatique très dynamique, assez joyeux, qui révèle la dimension symbolique de la grille, de l’enfermement inhérent à ce motif, Sir Paul Smith s’amuse à mettre en scène les rayures propres à l’univers de sa griffe dans un jeu d’échos, de dialogues formels et de correspondances.
Un dialogue entre les cultures
« En temps de guerre » — autre salle ayant attiré notre attention — rappelle que le peintre Pablo Picasso a traversé la Seconde Guerre mondiale de manière singulière, ne représentant pas le conflit de manière littérale, mais sous la forme de portraits et de natures mortes pour traduire la violence et l’angoisse sourde de la période. Sa toile monumentale Guernica, peinte en réaction à la guerre civile espagnole et exposée au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, à Madrid, est devenue un symbole universel d’engagement politique contre la barbarie. L’artiste américaine Mickalene Thomas, choisie par Paul Smith pour faire écho au travail de Pablo Picasso, s’en inspire à travers une série d’œuvres intitulée « Resist » sur les mouvements de défense des droits civiques des Africains-Américains, dont le récent Black Lives Matter aux États-Unis.
D’autres artistes comme Guillermo Kuitca, Obi Okigbo et Chéri Samba ponctuent également cette exposition et participent de cette même volonté d’ouvrir de nouvelles perspectives sur la postérité de l’œuvre de Pablo Picasso, en questionnant son image ou en reprenant à leur compte certaines de ses innovations plastiques. La présence du Masque d’épaule D’mba (Population Baga, Guinée), ainsi que les objets africains et océaniens de la collection personnelle de l’artiste voyageur exposés dans la salle « Voyages imaginaires », témoignent de sa fascination par leur caractère magique et leur capacité à agir sur le monde environnant, mais célèbrent aussi tout l’apport inestimable de l’Art du continent africain à l’art contemporain.
Article de PK Douglas