Toujours à la pointe des tendances electro, Simon Henner a plus d’une flèche à son arc. Producteur, compositeur pour ses propres groupes Nasser et Husbands dans lequel il enfile aussi la casquette de musicien et de chanteur, Simon Henner est partout. Avec une playlist qui vadrouille entre les Beastie Boys, Daft Punk et Keith Jarrett, il fait partie des pionniers de la scène marseillaise qui s’est bel et bien fait une place ces dernières années. Paulette a voulu en savoir davantage sur cet ermite nocturne qui séduit la scène underground du monde entier.
Paulette : Simon Henner, on est en 2017, et au vu de la tendance actuelle, il semble évident que la nouvelle génération a rapidement adopté la culture electro. Comment expliques-tu que des adolescents se penchent plus facilement sur ce style de musique qu’il y a vingt ans ?
Simon Henner : C’est un processus naturel, ça fait 40 ans qu’il y a de la pop électronique : Kraftwerk, New Order, Daft Punk, Kanye West… C’est une façon de composer et produire qui a progressivement touché tous les styles de musique. Je ne sais pas s’il y a une « culture electro », mais c’est marrant de voir que dans le hip-hop, dont les instrus n’étaient au début que des samples de soul et de funk, les productions sont quasiment 100% électronique maintenant. Il y a plus d’analogique dans la techno que dans le hip-hop. Maintenant les synthés, boîtes à rythmes, vocoders, et les techniques de production qui vont avec, font partie du paysage musical « classique » et ça ne choque plus grand monde, même quand Benjamin Biolay sort un single qui fait penser à PNL ! Je pense aussi que les adolescents d’aujourd’hui, ceux qui sont nés dans les années 90 ou 2000, ont toujours entendu des textures et des formats éloignés de la chanson pop intro/couplet/refrain avec 4 accords. Les clips Flat Beat de Mr. Oizo, One More Time de Daft Punk, Firestarter de The Prodigy, California Love de 2Pac, etc., passaient sur M6 quand ils étaient petits. C’est normal que ça forge d’autres goûts que ceux de leurs aînés qui écoutaient les Guns N’ Roses ou Michel Berger.
Justement, comment décrirais-tu cette énergie que provoque la musique electro pendant les concerts que tu donnes? Toi qui a baigné dans plusieurs univers musicaux, quelle différence y a-t-il entre le public d’un concert electro-rock de Nasser et un set de French 79 ?
Le public electro est plus jeune, tout simplement parce que sortir en club ou en festival à 2h du matin, c’est différent que d’être assis au Grand Rex pour voir Neil Young à 20h. Mais ceux qui avaient 20 ans dans les années 90 et qui ont dansé sur Laurent Garnier ou les Chemical Brothers continuent de les suivre. Et quand la musique est bonne, ça efface les frontières d’âges, mais aussi les frontières sociales. « Music makes the people come together, music mix the bourgeoisie and the rebel », comme disait Madonna. Quand les gens aiment danser ou se défouler, l’énergie d’un concert de Nasser qui est plus rock est comparable à celle d’un live de French 79 qui est plus techno. Si dans la forme, ce n’est pas la même chose, dans le fond c’est assez proche : c’est un voyage mélodique, épique, intense… Ça véhicule les mêmes émotions de partage, de liberté, d’hédonisme… Pour avoir fait Les Vieilles Charrues avec Nasser et avec French 79, la différence c’est que pour Nasser, les gens crient et applaudissent à la fin de chaque chanson, alors qu’avec French 79 c’est plus une connexion intellectuelle, une sorte de transe. Du moment que je vois les bras se lever, je comprends que le public est avec moi.
On connaît la toute récente ascendance de la scène electro marseillaise, comment cette mutation s’est-elle opérée au fil des années? On imagine que ça n’a pas toujours été facile de s’imposer…
Ce n’est toujours pas évident et je ne suis pas sûr que tout le monde ait conscience de la richesse de la scène marseillaise, notamment les institutions locales. Même si la scène rap est encore prédominante, avec Soprano ou Jul qui font partie des plus gros vendeurs de disques français, la scène électronique, pop et rock commence à bien s’imposer ici et ailleurs. Et avec notre crew, Kid Francescoli, Date with Elvis, Husbands, Ghost of Christmas, etc., on essaie d’être solidaires au maximum, on revendique aussi le fait de venir de Marseille. Je pense que cette ville nous influence forcément, on a un mode de vie particulier ici, on va tous à la plage après le studio, c’est quand même agréable !
On parle souvent de toi comme une personne workaholic dans le milieu, comment arrives-tu encore à trouver l’inspiration avec un rythme de vie aussi véloce ?
C’est mon côté hyperactif… J’adore me retrouver seul au studio, trouver une nouvelle suite d’accords, une ligne de chant, quelques notes de basse… Parfois il y a un truc cool qui sort, et là, c’est l’extase. Je suis capable de rester 24 heures enfermé pour faire accoucher une idée. J’adore l’alternance de la tournée et des sessions studio. Mon rythme de vie c’est plutôt 4 jours au studio et 4 jours en tournée par semaine… J’ai effectivement l’impression de vivre 8 jours par semaine. Mais quand on a la chance de vivre de sa passion et de collaborer avec des artistes géniaux, pour de la réalisation, de l’écriture en groupe, sur des remixes, des commandes pour l’audiovisuel… on ne compte pas.
Tu travailles également pour des musiques de spots publicitaires, notamment Burton et Renault Megane, qu’est-ce qui te plaît dans cet exercice ?
Je n’ai pas l’impression de travailler, car je m’amuse énormément. C’est hyper agréable de voir des commentaires sur les réseaux sociaux venant des quatre coins du monde disant : « J’ai découvert cette chanson grâce à tel épisode ». La musique à l’image, c’est une autre facette de mon quotidien. J’ai un cahier des charges, une deadline… Je suis au service d’un client. Mais ça me plait de faire des choses complètement différentes de ce que je fais habituellement. Et même s’il y a un peu de pression, ça me permet de penser à autre chose et de ne pas m’éparpiller.
Après la publicité, les compositions de French 79, celles de tes deux groupes et les artistes que tu produis, comment envisages-tu l’avenir ?
J’ai encore beaucoup de mal à imaginer ma vie dans quelques années. Je travaille beaucoup, je ne fais presque que ça. Mais j’ai du mal à imaginer ma vie sans tournées. Même si voyager et être dans une ville seulement quelques heures est frustrant et fatigant, c’est quand même génial de visiter des pays et des régions qu’on ne connaît pas, de rencontrer beaucoup de gens et de se sentir vivre sur scène. J’espère tourner avec mes différents projets le plus longtemps possible, en essayant de m’octroyer quelques vacances de temps à temps. En tous cas, si on me demande de signer pour la vie que j’ai aujourd’hui, je signe direct !
On critique souvent la musique electro, jusqu’à dire que c’est « la bande-son du monde machine ! ». Qu’est ce que cela t’évoque ?
Quand je parle de mon parcours musical, du conservatoire, de mes 20 ans d’études dans la musique classique, que je leur dis que j’étais percussionniste dans l’orchestre philharmonique de Lorraine… certaines personnes hallucinent complètement que je fasse de la techno ! C’est comme tout, il y a des moments dans une vie où des groupes, ou tout simplement un album, te font découvrir et apprécier des nouvelles choses. Personnellement, les Beastie Boys m’ont amené du rock au rap, Daft Punk du rock à la house, Keith Jarrett de la musique classique au jazz, etc. Ce serait triste de ne pas profiter des richesses que certaines musiques offrent. Les machines sont passionnantes, il se passe tellement de choses avec, elles te dictent parfois des notes improbables, sont souvent indomptables…
Composer pour des longs-métrages, ça te dirait ?
Je suis actuellement sur un projet de long-métrage, c’est vraiment passionnant, mais c’est hallucinant le temps que ça prend, j’ai l’impression de faire de la haute couture ! Je ne peux pas trop vous en parler tant que ça n’est pas sorti, je suis superstitieux… (Rires) !
En tournée dans toute la France :
29 septembre : Le Brise Glace – ANNECY
5 octobre : La Nouvelle Vague – St. MALO
6 octobre : Ouest Park Festival – LE HAVRE
7 octobre : Quartier libres – TOURS
14 octobre : Festival Rade Side – TOULON
19 octobre : 1988 Live Club – RENNES
20 octobre : Le 109 – MONTLUCON
21 octobre : Les Rockomotives – VENDÔME
10 novembre : Le Cargo de Nuit – ARLES
25 novembre : LA SEINE MUSICALE (festival chorus)
22 décembre : Espace Julien – MARSEILLE
> Propos recueillis par Stacie ARENA