SE DÉCONNECTER POUR SE RECONNECTER (À SOI)
Vous passez des heures à scroller sur les réseaux sociaux ? Il est temps de vous recentrer. De vous déconnecter... pour mieux vous reconnecter. Et de renouer avec les petites joies IRL.
Confinements, télétravail, réseaux sociaux… Le temps passé sur les écrans explose. Et avec lui, l’anxiété, la solitude, la dépression. Lâcher son téléphone portable, un pas vers le bonheur retrouvé ? C’est ce qu’assurent les personnes interrogées dans cet article. D’ailleurs, petit conseil : laissez votre portable dans une autre pièce pendant que vous le lisez. Autant commencer tout de suite à se déconnecter, non ?
26h50. C’est le temps que je passe chaque semaine sur mon téléphone. Autant dire que, sur sept jours, je consacre une journée entière (nuit comprise) à mon portable. Sans compter les heures de travail quotidiennes effectuées devant mon ordinateur, qui font monter à onze heures cinquante minimum mon temps d’écran journalier. Conclusion : dans la vie, je passe trois fois plus de temps face à un appareil gorgé de pixels que face à un.e humain.e de chair et d’os, un paysage à couper le souffle, ou mes merveilleux chats.
Solitude, anxiété et dépression 4.0
Et je suis loin d’être la seule ! Selon une étude menée en février 2021 par l’association Addictions France, 60% des Français.e.s ont augmenté leur temps d’écran récréatif depuis le début de la pandémie de coronavirus. Et 24 % d’entre elleux passent au moins six heures par jour devant un écran pour se distraire.
Pourtant, les études tendent à prouver que les téléphones et les réseaux sociaux favorisent l’apparition du stress, d’un sentiment de solitude, d’un état dépressif et de comportements addictifs. « Le sentiment de plaisir est normalement engendré dans notre cerveau par un circuit de récompense, pour nous encourager à réitérer les comportements bénéfiques. Les drogues, mais aussi les notifications de nos téléphones portables, réussissent néanmoins à activer ce circuit de récompense. Les concepteurs et éditeurs d’application jouent même précisément sur ce circuit de récompense et l’utilisent comme une faille pour créer les comportements addictifs », explique Thibaud Dumas, docteur en neuroscience cognitive et président de l’association Attention Hyperconnexion. La bonne nouvelle, c’est que ce n’est pas irréversible. Thibaud Dumas poursuit : « Le cerveau peut très vite gagner une mauvaise habitude, comme celle de regarder son téléphone toutes les trois minutes. Mais il la perd tout aussi rapidement. Une étude menée en 2018 par l’université de Pennsylvanie constate ainsi que les sentiments de solitude, d’anxiété et de dépression générés par les réseaux sociaux diminuent de façon significative en trois semaines. »
À la recherche du temps perdu
Marie, responsable de l’expérience client pour une marketplace, confirme la diminution de ces troubles suite à sa mise à distance avec les réseaux sociaux : « J’ai l’impression d’avoir libéré mon esprit d’une emprise hyper toxique. » La jeune femme a quitté Instagram en 2020. « Je me suis sentie aussi libérée que lorsque j’ai arrêté de fumer ! Je savais que cette addiction ne m’apportait rien, mais me coûtait beaucoup. » Marie a surtout le sentiment d’avoir gagné du temps. Un retour d’expérience que Thibaud Dumas entend souvent. « Les personnes qui entament une détox digitale sont unanimes : elles redécouvrent le temps libre qu’elles avaient perdu », précise-t-il. Marie a décidé de consacrer ces nouvelles heures de vie à des contenus qualitatifs pour nourrir son esprit d’une façon qu’elle juge plus satisfaisante qu’en scrollant à l’infini son feed Instagram.
Maud, cofondatrice de l’agence de communication Athletic Agency, se force aussi à déconnecter : « Lorsque mon fils est né, je me suis fixée comme règle de ne plus utiliser mon téléphone entre le moment où j’allais le chercher à la crèche et son coucher. Quelques heures privilégiées, où je suis à 100 % avec lui. » Ce qu’elle constate, c’est que ces pauses forcées la rendent plus sereine : « Quand tu te déconnectes, tu arrêtes de te comparer, tu es moins angoissé.e par le diktat de la vie parfaite qui règne sur Instagram. » Même son de cloche chez Victoria, responsable de mécénat, qui a supprimé son compte Instagram en mars 2020. Ces quelques mois d’abstinence lui ont permis d’analyser ses comportements passés : « À cause de nos smartphones, nous sommes toujours dans l’attente. D’un appel, de nouvelles d’un.e ami.e., de likes…» Une charge mentale numérique qui pèse sur nos cerveaux. Des études prouvent ainsi que, même éteint, le portable influence nos capacités cognitives. Victoria poursuit : « Je ne suis pas d’un tempérament envieux, mais depuis que j’ai quitté Instagram, je fantasme moins ma vie, mes voyages, mes fringues. Je me sens plus connectée à qui je suis et à ce que j’ai. Et je me rends compte que j’ai beaucoup. »
C’est ce sentiment de plénitude qu’il faut essayer de chercher en lâchant un peu son téléphone. Pour sortir de ce cercle vicieux et renouer avec les petites joies de la vie réelle, Thibaud Dumas suggère de se détacher des smartphones à petites doses. Le laisser dans une autre pièce la nuit, se balader dans des coins dépourvus de réseau, etc. L’idée, c’est de retrouver les bonheurs de tous les jours. Lire un livre au soleil, se promener dans la nature, entamer une conversation avec le ou la boulanger.e, passer une après-midi à profiter de sa famille ou de ses ami.e.s… Et se sentir plus vivant.e que jamais! Se déconnecter pour se reconnecter à soi et aux autres. La vie, la vraie, quoi.
Article du numéro 51 « Vibrer » par Tanissia Issad.