LP : LA CONSECRATION, ENFIN !
Elle s’appelle Laura Pergolizzi mais se présente au public sous ses initiales et son surnom. Avec son look « boyish » et son attitude rock, LP pourrait être l’enfant caché d’un Bob Dylan et d’une Gwen Stefani. On la rencontre il y a quelques semaines, avant sa deuxième date parisienne au Trianon. On est tout de suite frappé par son enthousiasme et sa fraîcheur. Elle ne perd pas une occasion de faire le clown avec un ton gouailleur qui fait mouche. Ce petit bout de femme en a sous le talon et siffle comme personne ! Celle qui s’est d’abord fait connaître en écrivant pour les autres s’épanouit désormais en solo grâce au succès surprise du titre « Lost On You », qui a affolé les compteurs des plateformes de streaming. Le tube donne son titre à son nouvel album entre pop, blues, country folk et gospel. Un mélange détonant, à son image ! Rencontre.
Paulette : D’où viens-tu et dans quel environnement as-tu grandi ?
LP : Je suis originaire de New York de parents italo-américains. J’ai vécu à Brooklyn puis à Long Island, et je me suis récemment installée à Los Angeles. Je viens d’une famille plutôt académique. Mon père était avocat et il me voyait médecin. Il me rabâchait sans cesse que je ne pourrais pas vivre de la musique. Ce n’était pas du genre à me dire : « Ma chérie, va au bout de tes rêves ! » (Rires). J’étais complètement conditionnée donc ça n’a pas été facile de croire en moi. Et puis j’étais assez timide. Je n’aurais jamais osé me lancer si je n’avais pas perdu ma mère d’un cancer du sein quand j’étais ado. Elle était trop jeune pour mourir. Après ça, c’est devenu une évidence. La vie est trop courte pour hésiter. Faire carrière dans la musique est un défi colossal. Ça n’a pas toujours été facile mais je suis convaincue d’avoir fait le bon choix. Toutes les épreuves que j’ai traversées m’ont permis de grandir. C’est ce que représente le tatouage de bateau sur ma poitrine.
Tu es la nouvelle révélation de la pop music. Comment te sens-tu par rapport à tout ça ?
Waouh, c’est un magnifique compliment ! Je voue ma vie à la musique et à l’écriture. Même quand j’ai l’impression de tenir un bon morceau, je continue d’écrire. Un peu comme un peintre qui ne se contenterait jamais d’une seule toile. Imaginez Van Gogh, en 2010, qui découvre que tout le monde le connaît et qu’il a même un musée à son nom, il serait carrément sous le choc ! Quelque part, je suis aussi surprise que lui. On me demande souvent si je sentais que je tenais un tube avec « Lost On You », mais pour être honnête, quand j’ai présenté cette chanson à mon ancienne maison de disques, je me suis fait jeter (rires) !
Ils doivent sérieusement s’en mordre les doigts aujourd’hui. C’est une belle revanche ?
Je m’efforce de ne pas tomber dans ces considérations, ce serait grossier. Ils m’ont rendu un fier service (rires). Si tu veux survivre dans ce métier, tu dois avoir la peau dure. J’ai été en face des plus grands, j’ai été signé par certains et puis j’ai été virée. C’est comme pour un « blind date », il faut que le courant passe. Aujourd’hui, je sens quand on s’intéresse réellement à moi.
Tu t’estimes chanceuse ?
Oui et je suis très reconnaissante. J’ai aussi beaucoup d’empathie pour les artistes qui n’ont pas eu la même chance que moi. J’aimerai partager mon expérience pour que ceux qui décident y pensent à deux fois avant de jeter un artiste. Il faut qu’ils soient sûrs de leur choix, quitte à demander un deuxième avis. Ça ne veut pas dire qu’il suffit d’écrire une chanson et d’essayer de la vendre à tout prix. Mais c’est important de ne pas jeter bébé avec l’eau du bain simplement parce qu’une personne n’aime pas ce que vous faites !
Tu as sorti deux albums en 2001 et 2004 qui ont été des échecs commerciaux. Puis un troisième en 2010 mais là encore le succès n’est pas au rendez-vous…
Les deux premiers, c’était des petites productions indépendantes. On aurait pu parler de flop s’ils avaient été distribués mais ce n’était pas le cas. La sortie de mon troisième album a été plusieurs fois repoussée. Tous ceux qui avaient cru en moi au départ sont partis et ceux qui ont pris leur place ont décidé de me virer après avoir entendu « Lost On You ». Il ne suffit pas de sortir un disque pour se faire connaître. Ce n’est pas aussi simple. Même si parfois, c’est vrai, ça explose sans qu’on s’y attende. C’est ce qui m’arrive en ce moment et c’est ça qui est beau !
Malgré ces déconvenues, tu as continué d’écrire. Environ 150 chansons en trois ans. Qu’est-ce qui t’a encouragé à poursuivre dans cette voie ?
C’est ce que je sais faire de mieux. Quand j’étais signée chez Def Jam puis chez Universal, j’étais presque obligée d’écrire. Ils organisaient des séances de travail pour essayer de trouver mon style. Je me retrouvais dans une pièce avec quelqu’un que je connaissais à peine et il fallait qu’on écrive une chanson ensemble. J’avais l’impression d’être à l’école ! J’ai fini par choper le rythme mais ce n’était pas facile. Parce que c’est très intime. Quand je n’étais pas encore sous contrat, je devais écrire 13 ou 15 chansons par an… juste de quoi faire un album. C’était la première fois que j’écrivais autant de chansons, c’était incroyable ! Le soir quand tu rentres chez toi, tu as le sentiment du devoir accompli.
Que sont-elles devenues ?
Elles sont toujours sur mon ordinateur mais il y a en a une qui n’arrête pas de circuler sur Twitter alors que je ne l’ai jamais enregistrée. J’espère que je n’ai pas été piratée (rires).
D’où vient cette détermination à toute épreuve ?
C’est dans ma nature. J’étais déjà comme ça petite quand j’apprenais à faire du vélo. Je me levais à 10h le matin et jusqu’à 10h le soir j’essayais de tenir dessus. C’est la même chose pour la musique. Je me suis donné les moyens d’y arriver !
L’album, initialement prévu en janvier, est déjà disponible. Tu étais impatiente que ton public le découvre ?
De nos jours, les gens passent vite à autre chose, parfois en un seul clic. Et puis j’avais le matériel nécessaire pour sortir un disque dès maintenant donc pourquoi attendre ! Il y aura les chansons de l’EP plus cinq inédits. C’est un cadeau de Noël avant l’heure !
Ta voix est puissante et douce à la fois. Quand as-tu découvert son potentiel ?
Je l’ai toujours su parce que les gens n’arrêtaient pas de me faire des compliments. Je pouvais ressentir leur enthousiasme quand je chantais, même si à l’époque ça n’avait aucune incidence sur les ventes ou sur ma popularité. J’ai commencé à gagner ma vie en écrivant pour d’autres, il y a dix ans, et c’était déjà une chance. Ce qui m’arrive aujourd’hui va au-delà de mes espérances ! Et en même temps, j’ai travaillé dur pour y arriver. Le plus chouette dans tout ça c’est de pouvoir partager ma musique avec le plus grand nombre et toucher les gens avec mes chansons. C’est le rêve de tout auteur-compositeur. Je n’ai pas de mot pour dire ce que je ressens, c’est un honneur !
Comment as-tu appris à chanter ?
J’ai étudié l’opéra et le chant lyrique. Au début des années 2000, j’ai commencé à faire de plus en plus de concerts et ça me rendait très nerveuse. Je n’avais jamais autant sollicité ma voix, alors je me suis mise à faire mes gammes avant chaque représentation. Ça pouvait prendre un certain temps mais plus je m’astreignais à cette gymnastique, plus je gagnais en technique. J’ai appris à la contrôler complètement. C’était une belle découverte.
Tu as chanté « Lost On You » en guitare-voix sur le plateau de l’émission Quotidien et c’était stupéfiant. On regretterait presque qu’il n’y ait pas de versions acoustiques sur cet album ?
C’est marrant que tu me dises ça parce que c’était la première fois que je jouais avec mon guitariste devant des gens. Et en plus à la télévision française. Bon sang, c’était effrayant ! J’ai travaillé les arrangements des morceaux avec Mike Del Rio. C’est ce qui a pris le plus de temps dans l’enregistrement de l’album. Parce que ça m’engageait moi en tant qu’artiste. C’est une question qui s’est posée avec mon dernier album. Je n’étais jamais satisfaite, c’était soit trop produit soit pas assez. Mais Mike a compris ce que je voulais et il a été extrêmement délicat avec ma voix. Je ne voulais pas que ça devienne trop pop et trop léché.
« Lost On You » est une chanson de rupture. Qui embrasses-tu à la fin de la chanson ?
Il s’agit de ma vraie petite-amie. La fille aux cheveux roux qui se balade dans les rues de New York joue mon ex. A la fin du morceau, je réalise que je dois la laisser partir.
Tu as écrit pour d’autres artistes. La première fois, c’était pour les Backstreet Boys. Comment ça s’est passé ? Te souviens-tu du contexte dans lequel tu as écrit les paroles ?
Oui je m’en souviens très bien parce que c’est une chanson très personnelle. J’étais encore sous contrat avec Def Jam. Je travaillais sur cette chanson avec le producteur Billy Mann, dans sa maison du Connecticut, quand j’ai reçu un appel de mon père qui m’annonçait le décès de ma mère. Elle s’appelle « Love Will Keep You Up All Night ». Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit ce soir-là. Mon frère m’a même téléphoné alors que ça n’est pas vraiment dans nos habitudes… Grâce à cette chanson, j’ai décroché un contrat d’édition. C’est bizarre de voir comment les choses s’enchaînent parfois.
Après il y a eu Rihanna, Christina Aguilera, Rita Ora, Florence and the Machine… j’en oublie ?
Florence n’a jamais interprété une de mes chansons mais j’en ai écrit plusieurs avec sa claviériste, Isabella « Machine » Summers. J’adore Florence. C’est l’une des plus grandes voix de notre génération. Elle est incroyable ! Quand j’ai commencé à écrire pour d’autres, je ne voulais pas m’imposer de limites pour ne pas être cantonnée à un style en particulier, mais je n’aurais jamais imaginé séduire Rihanna
Avec qui rêverais-tu de collaborer ?
J’aimerais beaucoup travaillé avec Adele ou Bruno Mars mais manifestement ils n’ont pas besoin de mon aide !
Une dédicace aux Paulette ?
On a la chance d’avoir grandi dans un pays qui nous autorise à nous épanouir pleinement mais ce n’est pas le cas partout et c’est une honte ! Alors gardez le cap les Paulette ! Soyez vous-même et donnez-vous les moyens d’être heureuses !
LP :: Lost On You (Choke Industry)
Disponible depuis le 9 décembre 2016
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