LES TEEN MOVIES SONT DE PLUS EN PLUS ENGAGÉS (ET C’EST TANT MIEUX)

"Booksmart", "Moxie", "The Hate U Give" : en 2021, le teen movie est devenu vecteur de messages engagés. Réjouissant.

Il y a des films qu’on n’oublie pas. Des séquences qui marquent et contribuent à créer des codes auxquels on s’attache. Les teen movies en font partie. Plus jeune, on les a visionnés un nombre incalculable de fois, parfois solo, parfois en bande, imprimant chaque réplique ou presque dans notre esprit en formation, s’accrochant à certaines de ces références jusque plus tard dans notre vie. A coup de dialogues cultes, ils ont façonné notre adolescence. Et plus encore, qui on est devenu·e·s. Risqué, quand on voit la dose de stéréotypes qui en a longtemps émané.

Dans les années 2000, on se souvient de Lolita malgré moi, d’Elle est trop bien ou de Comme Cendrillon. Des histoires tout droit importées des US dont le scénario tourne généralement autour d’un axe similaire : une jeune fille pas comme les autres (elle n’est pas riche et ne porte pas de mini-jupe) débarque au lycée, tombe amoureuse d’un garçon lui aussi « différent » (comprendre que même s’il est quater back, il aime la poésie) et coiffe au poteau sa copine populaire qui le prenait pour acquis. La « méchante » du film, décrite comme bouffée par la jalousie et l’envie de plaire, n’aura que ses yeux pour pleurer.

 

© Paramount Pictures

Morale du récit, pour la faire courte : les discrètes sont les héroïnes, celles qui revendiquent leur sexualité sont généralement diabolisées. Le mec qui laisse tomber sa copine pour les beaux yeux de la nouvelle, lui, est érigé en prince charmant, aussi détestable aura-t-il été avec la Terre entière avant. Pas franchement sororal quand on y pense et qu’on s’attache à décortiquer tout ça. Pas vraiment inspirant non plus tant le seul dessein de la protagoniste reste de finir avec Adonis. Et pourtant, ce sont autant de scripts qui ont dicté nos comportements, et dont on peine aujourd’hui encore à se défaire. 

Alors bien sûr, une fois adulte, on dispose d’un recul suffisant pour apprécier ces reliques nostalgiques, et y replonger sans être influencé·e. Et puis, il existe aussi des pépites qui n’ont pas (trop) fait de dégâts. La revanche d’une blonde, par exemple, tire pas mal son épingle du jeu en termes de message féministe : elle devient pote avec sa rivale, excelle à la fac de droit, dénonce un vieux libidineux pour harcèlement, remballe son ex opportuniste et refuse de se conformer à une norme qui a vite fait de la mettre dans une case pour ses tenues façon Barbie. Idem pour American Girls, avec Kirsten Dunst et Gabrielle Union, qui aborde l’appropriation culturelle entre deux coups de pom-poms. 

Mais il faut creuser pour les trouver, et aucun ne sont réellement exemplaires.

Un genre plus empouvoirant

Depuis quelques années en revanche, de nouveaux bijoux émergent sur les plateformes de streaming. Des longs-métrages et des séries qui abreuvent la Gen-Z de romances moins niaises et prévisibles que leurs prédecesseuses, pour faire la part belle aux relations fortes et équilibrées, mais aussi aux amitiés complexes et incassables. Des films qui, au-delà de ne pas céder à la trame classique qui fait de la compétition entre femmes sont gagne-pain, se distinguent par leur parti pris militant désormais essentiel.

On a nommé Lady Bird de Greta Gerwig, Booksmart d’Olivia Wilde, le bouleversant The Hate U Give de George Tillman Jr., qui raconte le combat de Starr face au deuil et au racisme systémique meurtrier outre-Atlantique, Sex Education de Oli Julian, Euphoria de Sam Levinson, ou encore Moxie, le dernier teen movie Netflix signé Amy Poehler qui incarne une parfaite mise en jambes pour jeunes filles en quête d’élan révolutionnaire. Et les autres ne sont pas en reste.

Dans Booksmart par exemple, on suit l’aventure d’une nuit de deux meilleures amies qui, après avoir bossé comme des dingues et sacrifié leur vie sociale pour intégrer les facs de l’Ivy League, se rendent compte que leurs camarades fêtard·e·s aussi, rejoigneront les rangs de ces prestigieux établissements. Comme une revanche sur une scolarité privée de pool parties, de bières et de mensonges éhontés à leurs parents qui les pensent au lit quand elles font le mur, Amy et Molly décident de se rendre à la soirée de l’année : celle d’un des élèves « populaires » de leur année. S’en suivent des péripéties rocambolesques, drôles et touchantes, qui classent la production parmi nos favorites du moment. 

Ici, pas de clichés associés aux différents statuts sociaux des lycéen·ne·s, pas de rivalité féminine douteuse, pas de romances 100 % hétéros. 

© Netflix

Juste l’envie pour les spectateur·rice·s qui ont eu le bac il y a plus de dix ans d’avoir eu accès aux mêmes contenus à l’âge clé auquel ils sont destinés. D’avoir pu grandir avec des récits qui dénoncent le sexisme plutôt que de s’en servir pour concevoir des punchlines, qui condamnent les discriminations raciales qui gangrènent nos sociétés plutôt que d’opter pour un écoeurant réflexe colorblind. Qui n’encensent plus des relations toxiques aux mécanismes et réflexions nocifs, tellement romantisées qu’elles en deviennent nos modèles ultimes d’amours véritables, mais posent les bases d’une dynamique saine et positive.

Côté coeur justement, il y a Dash & Lily, pour ne citer que la série de Noël qui a conquis bien des âmes sensibles. Une oeuvre en huit épisodes qui ne tombe pas dans l’écueil d’un « fuis moi je te suis » usé jusqu’à la corde à force d’inciter les amoureux·se·s en herbe à jouer au lieu de dire vrai, mais apprend à se découvrir en douceur, sans faux-semblants ni notions d’appartenance problématiques. Rafraîchissant.

D’aucuns argumenteront qu’il ne s’agit « que de films ». Sauf qu’en fait, pas vraiment. Pour la bonne raison que, plus encore que les autres car destiné à la jeunesse, ce genre nourrit des comportements réels à travers les actions de ses héro·ine·s fictif·ve·s. Il crée des exemples, installe des rôles-modèles, participe à la construction de personnalités et d’esprits en pleine évolution, qui cherchent autant à sortir du lot qu’à appartenir à une case bien définie. 

L’adolescence est un moment où l’on se forge aussi par ce que l’on entend, ce que l’on voit. Et avec ce nouveau cru quali bien parti pour durer, les prochaines générations ont des chances d’en ressortir (encore) plus engagées, comme d’en retenir d’importantes leçons. Tant mieux.

Une chronique de Pauline Machado

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