Exposition Niki de Saint Phalle, à Toulouse : éclatante, combattante, plus vivante que jamais
Avec cette rétrospective courant d’octobre à mars, le musée des Abattoirs de Toulouse propose une facette inédite du travail de Niki de Saint Phalle. Artiste contemporaine multiforme et engagée dans tous les combats de son époque, cette exposition lui rend hommage et retrace son œuvre avec panache et luminosité.
L’art de toute une vie
Niki de Saint Phalle possède une place unique dans le paysage de l’art contemporain français. Très connue pour ses Nanas, ses sculptures colorées de femmes sans visages dansantes et vivantes allant de la toute petite figurine à la statue monumentale, Niki de Saint Phalle est révélée dans cette exposition comme une artiste bien plus complexe et engagée qu’on ne le pensait. Pour la commissaire de l’exposition Annabelle Ténèze : « Le but de cette curation était de parler de son œuvre tardive. Quand elles deviennent plus âgées, les femmes artistes ou actrices sont moins regardées mais plus libérées. On voulait montrer Niki de Saint Phalle, cheffe d’entreprise, cheffe de chantier, créatrice de parfum ».
En effet, la curation des œuvres se concentre sur les années 80 et 90 de l’artiste, période d’ébullition et d’accomplissement pour celle qui a déjà atteint la renommée internationale, mais aussi une époque plus sombre, qui marque le temps de l’introspection. Née en 1930 à Neuilly-sur-Seine d’un couple franco-américain, elle grandit entre New York et la Bourgogne. Souffrant de différents problèmes de santé mentale et physique, elle est internée une première fois à 20 ans, et passe près d’un quart de sa vie à l’hôpital. « C’est une exposition qui parle de la vie, de la maladie et de tous les aspects des émotions humaines », juge Annabelle Ténèze, sur l’organisation des différentes salles d’exposition qui fait la part belle aux éléments biographiques de Niki de Saint Phalle.
Une artiste indépendante
Pour rappel, elle atteint la renommée dans les années 60 en intégrant le groupe d’artistes des Nouveaux Réalistes. La réalisation de ses célèbres tableaux Les Tirs consistait à tirer à la carabine sur des toiles pour faire exploser des poches de peinture. En déambulant dans les salles, on retrouve les vidéos de ces performances, des Nanas bien sûr, mais aussi beaucoup de mobilier. Chaises, lampes, tables.. « Elle ne faisait aucune division entre l’art et l’artisanat”, note sa petite-fille et responsable de la fondation Niki Charitable Art Foundation Bloum Cardenas. “Fabriquer des œuvres en série lui a permis de gagner de l’argent, ce qui a été très critiqué, alors que c’était une stratégie pour être indépendante financièrement”, précise-t-elle.
Cet argent lui servira notamment à la construction du monumental Jardin des Tarots, un terrain en toscane sur lequel elle fera bâtir 22 statues de plusieurs mètres de hauteur, certaines habitables, représentant les différentes arcanes du tarot (la mort, le diable…). Selon Annabelle Ténèze, “ c’est la première femme artiste à avoir créé autant d’œuvres monumentales”. Respectueuse de l’environnement, elle cherchera toujours à s’adapter au terrain qu’elle investit, pour n’importe laquelle de ses œuvres. “ Si je peux dire, c’est une écofeministe avant l’heure ! Elle a un rapport aux vivants très fort”, souligne la commissaire.
Aux avant-postes de tous les combats
Outre ses sculptures et son mobilier, on découvre dans l’exposition les engagements hors normes de Niki de Saint Phalle, dont celui contre le SIDA dès le début des années 80. Comme le rappelle Bloum Cardenas, “elle est l’une des premières artistes à s’impliquer dans la lutte contre le VIH en allant notamment parler à la télévision. C’est une partie de son engagement peu connue : elle s’intéresse aux malades, aux outsiders. Son féminisme est inclusif.” En réalisant plusieurs petits livres illustrés, elle cherche à toucher le plus de monde possible en mêlant art et pédagogie.
Outre le VIH, elle s’engage via des toiles et des sculptures pour le droit à l’avortement, le contrôle des armes à feux ou encore la visibilité des artistes noirs. Une pièce de l’exposition vers la fin du circuit touche particulièrement : celle où elle évoque le viol qu’elle a vécu à l’âge de 11 ans par son père. Son témoignage est recueilli dans un livre intitulé “Mon secret”, qu’elle écrit pour sa fille à l’âge de 64 ans.
Particulièrement bouleversant, il s’inscrit dans la volonté de l’artiste de toujours prendre la parole, bien que la réception de cette révélation ait été très critiquée. Malgré la dureté de certaines œuvres, pour Bloum Cardenas, “son œuvre est une leçon de joie, un projet de vie très fort”. À découvrir au musée des Abattoirs de Toulouse jusqu’au 5 mars.
Un article de Hanneli Victoire