BIXA TRAVESTY, UN DOCUMENTAIRE FASCINANT ET PROVOCANT

Le documentaire brésilien sur Linn da Quebrada, signé Kiko Goifman et Claudia Priscilla, dresse un portrait à la fois fascinant et provocant d’un personnage hors norme. La chanteuse et danseuse Linn nous plonge dans son univers à travers des vidéos, des photographies et des interviews dans lesquelles elle se livre sur son parcours. On se retrouve au plus près de son intimité, dans un spectacle qui nous invite à interroger le fonctionnement de notre société. 

Linn da Quedabra incarne une nouvelle forme de féminité qu’elle a nommée « travtapette », un néologisme où elle se réapproprie la notion péjorative de « tapette » pour en faire un terme effronté et élogieux. Car Linn est fière d’elle-même : on la voit à plusieurs reprises s’embrasser le corps, ce corps qui fait d’elle une nouvelle Eve.

Elle parle ouvertement de son choix de ne pas modifier son anatomie ou son buste avec de la chirurgie ou des hormones : on peut être une femme et avoir une barbe, un pénis, un corps masculin. Pour Linn, s’aimer et être fière de soi est un devoir pour toutes et tous, peu importe son genre, son sexe, sa sexualité. L’acceptation de soi devient un acte politique, tout comme sa musique électro-baile funk, véritable arme qui lui sert à dénoncer le machisme, le patriarcat, les préjugés liés au genre ou à la sexualité.

Un acte militant fort dans un pays où a lieu le plus de meurtres de personnes transgenres au monde… Et qui ne semble pas près de changer, comme en témoigne l’avènement du président Jair Bolsonaro. En concert et dans sa vie quotidienne, Linn se met en scène, fait des performances en costume, questionnant les normes qui nous entourent.

Mais elle se livre aussi sur ses peurs les plus personnelles : notamment celle de la solitude et de ne pas être aimée. Pour faire face à tout ça, un objet accompagne Linn et l’aide à avoir confiance en elle, son porte bonheur : un gant aux doigts argentés qu’elle perd en cours de route du documentaire. Un accessoire qui n’est pas sans rappeler Edward aux mains d’argent (1991), de Tim Burton, lui aussi un personnage hors norme qui bouscule les codes du monde dans lequel il vit. Linn va-t-elle trouver en elle le moyen de s’affirmer et de se suffire sans son objet fétiche ?

Un film singulier, parfois volontairement choquant, qui ne nous laisse pas indifférents. Disponible depuis le 26 juin. 

Article de Inès Huet

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